Bonjour à toutes et tous,
Nous inaugurons ce jour une nouvelle page de ce blog, celle des invités. Idée qui était la nôtre depuis le création de ce blog mais qui n’avait pas encore été finalisée. C’est chose faite avec notre premier invité, qui est une invitée, @KindiaFi, que vous pourrez retrouver sur twitter. Initialement, le billet qui suit a été publié sur un Tumblr qu’elle alimente, avec un talent certain, de photographies, de courts textes et de citations issues de ses lectures.
L’agression qu’elle décrit dans le texte qui suit est si révoltante, et si banalement courante, que je lui ai proposé de la faire partager, pour que chacune puisse savoir que ce sentiment de culpabilité rencontré est très fréquent, et commun à de nombreuses plaignantes. Mais qu’il n’est pas la réalité. Je laisse les clefs de cette rubrique à notre invitée, qui l’inaugure de la plus belle des manières.
Les agissements de certains des protagonistes ne sont en aucun cas cautionnés par les tauliers du 15cpp.
A bientôt de vous lire et de vous faire lire sur cette page.
Flam
L’autre soir, je m’étais faite jolie.
L’autre soir, je m’étais faite jolie.
En première partie de soirée, j’avais invité ma famille au restaurant, histoire de fêter, avec un peu de retard, mon anniversaire.
La soirée fut douce. Une soirée d’été en bord de mer, à la brise légère, même pas assez fraîche pour que je pose mon étole sur les épaules.
Après le resto, je me suis arrêtée près du canal, parce que les reflets étaient beaux et parce que j’aime, plus que toutes autres, les photos de reflets sur l’eau.
J’ai traversé la rue, et la foule, pour regagner le quai, appareil en main.
La circulation était bloquée. Deux policiers municipaux près d’une barrière. Des gens qui rient. Cette Mercedes en warning, une femme dedans, un homme dehors, parlant aux flics.
Je marche d’un pas pressé, on m’attend dans ma voiture.
Je ne pense qu’à ma photo.
Et puis je croise son regard, ça va très vite, il me semble, le voir vriller…
Il m’attrape. Par les seins.
Me pelote. Au milieu de tous. Devant le flic. Je crie. Je m’écarte. Vite. Parce que j’ai peur. Parce que je le crois saoul.
Le flic me regarde, ahuri.
Et comme personne ne réagit. Je fuis.
Et je prends ma photo.
Je l’entends, plus loin, dire au flic m’avoir prise pour une autre. Il le dit spontanément. Le flic ne lui a rien demandé.
Il le répète, frénétiquement.
Je l’entends pendant que je cadre.
Parce que oui, moi, je cadre.
Au lieu de gueuler.
Au lieu de lui cracher à la gueule.
Plutôt que de vomir ma rage sur le flic.
Moi, je cadre.
Moi, je cadre.
Quand je me retourne, je vois que le municipal déplace la barrière, pour le laisser passer. Remerciements et sourires.
Je vois sa femme dans la voiture. Je constate qu’elle ne me ressemble pas. Comme si cette justification pouvait avoir jamais eu un sens.
Puis je remonte dans ma voiture. Et je raconte l’épisode, en ôtant à mon récit le moindre soupçon d’affect.
Oui, c’est bien ce que j’ai fait, depuis ce que j’ose à peine qualifier d’agression.
Je l’ai appréhendée comme si elle était arrivée à quelqu’un d’autre.
Sauf que non, même pas, parce que si j’avais assisté à ça, j’aurais hurlé, j’aurais parlé à cette femme, j’aurais discuté avec le flic. J’aurais photographié la plaque. J’aurais été choquée. Et je l’aurais fait savoir.
Alors cette nuit là, je me suis interrogée, je me suis condamnée, je m’en suis voulue d’avoir pu penser que mon décolleté pourrait m’être reproché.
Toutes ces pensées de merde qui vous assaillent, malgré vous, je les ai eues.
Cette nuit là, en dm*, on m’a écrit que mes seins étaient irrésistibles.
Et ce terme “irrésistibles” m’a perturbée. D’abord parce qu’il dédouane l’agresseur.
Ensuite, parce qu’il sous-entend qu’il s’agit d’une pulsion. Et j’ai vu, dans ses yeux, qu’il s’agissait bien de cela.
Et je ne peux m’empêcher de me demander : que ce serait-il passé si je l’avais croisé dans une rue isolée ?
Que se passera-t-il, la prochaine fois qu’il sera face à une femme qu’il jugera à son goût ?
Et ce flic, s’interroge-t-il, aujourd’hui, sur son inaction ?
Je sais que je ne suis pas coupable.
Mais je sais aussi que j’ai eu tort de me taire.
L’autre soir, je m’étais juste faite jolie.
Merci à @Maelys58 , à @Deus_le_Padre et à @Kaptain_Flam qui ont su trouver les mots.
*Message privé sur Twitter
Les mots sont salvateurs, libérateurs, je suis ravie que tu les exprimes, surtout ici
Je suis également contente que tu te soies débarrassée de ce sentiment de culpabilité, qui hélas est commun a toutes les victimes d’agression à caractère sexuel ……..
Je pense qu’ils serviront tellement ils sont « vrais »
Je te souhaite des lendemains qui chantent et des nuits plus belles encore 😉
Merci @Maelys58 .
C’est vrai que les mots sont libérateurs, et même si, initialement, ces lignes n’étaient pas destinées à être lues, ce soir, je suis heureuse qu’elles le soient.
Si j’ai couché cet incident sur le papier, c’était d’abord pour réaliser. Puis pour ne pas oublier les sentiments que j’ai éprouvés. Si d’aventure, ce récit s’avérait être utile, alors tout n’aura pas été vain.
Merci encore pour tes mots.
comme le dit @flam , ce genre d’agression, parce que c’en est une, est anormalement banale! Et je pense même que, en dehors du coté psychologiquement choquant, la justice ne sait plus quoi faire de ce genre de fait! Trop banal, trop « peu »important, juridiquement, à coté des infractions classées dans la même « rubrique », tel que le viol!
Il est donc bon, salvateur, de ne jamais oublier que le corps est personnel, qui’l n’appartient jamais à un autre que soit; marié ou pas, fiancé ou pas, connu ou inconnu. Et que rien, jamais, n’excuse une attitude telle que décrite dans ce texte.
Je n’ose même pas parler de celle du « flic », qui est juste inqualifiable!
Je partage ton avis Chris_PJ , notamment sur la réponse sociale à ce genre d’agressions « anodines ».
Pour en revenir à l’attitude de ce policier municipal, je dois avouer que c’est sûrement ce qui m’a le plus abasourdie.
J’ai vu, à la façon dont il m’a regardée, qu’il attendait de voir ma réaction pour éventuellement intervenir… alors que j’aurais tant souhaité l’inverse. Moi, j’attendais la sienne. Inverser l’initiative de la réaction revient à minimiser le geste. Et ça, je l’ai mal vécu, parce que ça fait peser sur la victime l’opportunité de la réponse sociale… alors que nous étions devant un représentant de la force publique…
Je suis retournée dans ce centre ville, j’ai observé les municipaux, je voulais lui parler… mais je ne l’ai pas retrouvé.
Et le pire, même s’il n’y a aucune trace, ni sur le vêtement, ni sur le corps, alors même qu’on a n’ a pas culpabilisé mais l’a pu faire baisser les yeux d’un regard violent et que le type est tellement minable qu’il vaut à peine le mépris…une sensation de saleté blessante reste.
Merci pour votre commentaire 🙂
Pour ma part, ce qui subsiste, c’est surtout le sentiment de culpabilité de ne pas avoir su réagir.